"Je rentre en pirogue comme mes ancêtres"Un Polynésien de 41 ans est parti en pirogue de Bayonne pour rejoindre
les îles Marquises. L'Atlantique et le Pacifique le séparent de sa
destination.
22/04/2013 à 09:42
cliquer sur le titre pour voir l'article sur le journalIsmaël Patu-Huukena, Polynésien de 41 ans, est parti dimanche soir de
Bayonne en pirogue à voile avec un objectif fou : les Marquises, ses
îles natales. Une traversée à peine croyable qu'il ambitionne de faire
en quatre mois, accompagné d'un ami surfeur. "Le département sécurité
des Affaires maritimes m'a donné le feu vert. Je pars d'une minute à
l'autre, en fonction de la météo", assurait il y a quelques jours Ismaël
Patu-Huukena, un homme au sourire tranquille taillé comme un rugbyman
de deuxième ligne, vêtu d'une tunique aux couleurs polynésiennes.
Jusqu'à la dernière minute, on ignorait s'ils partiraient. Finalement
ils l'ont fait vers 17 h 30 dimanche en empruntant le canal de l'Adour.
"Je suis calme, zen, notre première étape sera Madère", a indiqué par
téléphone l'aventurier après avoir prié et invoqué les dieux pour qu'ils
l'accompagnent. S'il réussit, l'Atlantique, puis le Pacifique, après la
traversée du canal de Panama, l'attendent : quatre mois passant par l'
Espagne, le
Portugal, la Guadeloupe, le
Venezuela,
la Colombie, le Panama, l'archipel des Galapagos (Équateur) puis 25
longues journées pour atteindre les Marquises, à 22 700 kilomètres de
Bayonne. Et ils ne donneront des nouvelles à leurs amis que lors des
escales.
"Je porte un message de paix à travers les océans"
"S'il doit lui arriver quelque chose, j'espère que cela sera à
proximité des côtes espagnoles et portugaises, car une fois éloigné des
côtes, j'ai peur pour eux", dit l'un de leurs parrains, l'entrepreneur
Jean-Louis Brettes, gérant de la société de composites Polycontact,
manifestement angoissé. Mais, après 18 ans loin de chez lui, Ismaël lui
est déterminé : "Je rentre en pirogue comme mes ancêtres, je veux
montrer à ma famille que je n'ai pas oublié nos traditions", dit l'homme
à la longue tresse noire striée de quelques cheveux blancs.
Visage et corps tatoués, il porte un lourd collier formé "d'os de
colonnes vertébrales d'êtres humains", de dents de sanglier et de perles
noires et assure que le dieu marquisien Tiki accroché au bout du
collier le protège. Ancien agent de sécurité, il admet ne pas connaître
la mer, mais "personne ne la connaît", on peut "juste la subir". Il
nourrit l'idée de retourner vivre aux Marquises à bord d'une pirogue
nommée Te-Hono (La paix) depuis de longs mois. "Je porte un message de
paix à travers les océans", déclare-t-il.
12,5 m de long, un mât et une cabine
Longue de 12,5 m et armée d'un mât de 10 mètres, la pirogue
Te-Hono dispose
d'une coque décorée d'une baleine à laquelle sont fixés deux flotteurs.
L'un d'entre eux transporte les vivres, l'essence et tous les matériaux
à protéger. À l'intérieur, une cabine rudimentaire de 4 mètres de long
contient trois couchages, une cuisine et la croix de Jésus-Christ, bien
en évidence. Le Polynésien a travaillé pendant presque un an et demi
pour construire
Te-Hono avec le soutien financier d'une dizaine
d'entrepreneurs. Pierre Lavielle, gérant de la société Ulma, fabrique
d'échafaudages, a prêté un de ses hangars pour la construction.
"Il a bouclé son budget avec des bouts de ficelle (...), des
personnes isolées lui ont donné des pièces, il avait également mis une
tirelire à l'attention des badauds", témoigne-t-il. "Cette coque de noix
sur l'Atlantique, c'est un drôle de challenge", déclare pour sa part
Pierre Darrigues, directeur d'une entreprise de chaudronnerie. Ismaël
embarque avec Olivier Guigue, 25 ans, cuisinier et surfeur qui parle peu
et se dit "attiré par sa culture". Ce dernier explique qu'ils
s'aideront simplement d'un GPS, d'un compas et d'une boussole, en
regardant les étoiles, pour traverser les océans sans se perdre.
Tous se disent inquiets, sauf peut-être Maximilien Berque, navigateur
landais qui, entre autres voyages, a traversé l'Atlantique avec son
frère jumeau à bord d'une pirogue à balancier, en 2003. "Quand on part
du golfe de Gascogne comme il va le faire, on a le vent dans le nez
(...), c'est très difficile", explique-t-il. "Mais c'est fabuleux qu'un
mec entreprenne ce challenge, il croit à la magie des dieux.
Heureusement que ces gens-là existent. Il y a des illuminés qui vont
très loin", dit-il.